Le gouvernement vient d’être remanié et les familles s’enquièrent de leur nouvel interlocuteur, pour découvrir que le ministère de la Famille a disparu ! Pas même un secrétariat d’État. Rien. À qui s’adresser pour parler de la famille ? À Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale ? à Luc Chatel, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative ? ou à leurs secrétaires d’État ? Le Collectif pour l’enfant, dont je suis le porte-parole et qui regroupe soixante-seize associations réparties dans toute la France, s’est souvent opposé à Nadine Morano, secrétaire d’État à la Famille dans le précédent gouvernement, en particulier lors de l’avant-projet de loi sur le statut du beau-parent. Mais au moins, les familles avaient un interlocuteur. Désormais, il est clair que la famille ne fait pas partie des priorités du nouveau gouvernement, et ce n’est qu’à moitié une surprise, tant la politique familiale est pratiquement absente des campagnes électorales depuis plusieurs années.
Pourtant, de nombreuses crises sociales, qui touchent en premier lieu les enfants, sont des conséquences de ce que la famille n’est pas assez protégée et encouragée alors qu’elle rend un service social sans équivalent. En effet, la famille est la cellule de base de la société, son institution fondatrice. C’est dans la famille que l’enfant apprend les premières valeurs morales. C’est là qu’il commence à aimer et à être aimé. La famille mérite toute la sollicitude du gouvernement et doit être aidée dans sa mission éducative. Au lieu de cela, elle est attaquée directement depuis maintenant de nombreuses années, comme en témoigne la remise en question régulière des allocations familiales sans condition de ressources et sans imposition, ou du plafond du quotient familial.
La famille est le lieu de l’éducation et de l’apprentissage de la citoyenneté. Elle offre à ses membres un cadre de stabilité et de solidarité, un soutien ou même un refuge en cas de besoin, autant de services qu’aucune structure sociale ne peut compenser vraiment lorsque la famille est défaillante. Les études sont très claires sur le sujet : les difficultés que rencontrent les familles rejaillissent sur l’en semble de la société. Il est illusoire de tenter de lutter contre la précarité, l’exclusion et l’isolement sans une politique familiale engagée qui, seule, permet d’éviter ces situations d’exclusion et d’isolement, au lieu de tenter d’en limiter les dégâts. Il est étonnant que le ministère de la Famille disparaisse le jour où Dominique Versini, le défenseur des enfants, présente son rapport annuel au premier ministre, dans lequel elle alerte les pouvoirs publics sur l’aggravation de la pauvreté des enfants vivant dans des familles qui connaissent le chômage, la rupture ou l’isolement.
La société n’est pas composée d’individus isolés mais de personnes ayant des liens de famille, qui constituent le tissu social fondamental. Fortifier la famille est donc une priorité pour le bien des individus et de la société entière.
Le mot famille lui-même devient galvaudé. Pour savoir de quel type de famille il s’agit, il faut y accoler un adjectif : famille recomposée, monoparentale, homoparentale, etc.
Le mariage homosexuel est prôné par quelques lobbies, certes tout à fait minoritaires mais à l’influence non négligeable. Pourtant, il faudrait enfin oser dire l’évidence, à savoir que le meilleur cadre pour accueillir un enfant et le voir grandir est une famille stable, et que le mariage offre les meilleures chances pour l’enfant de grandir avec son père et sa mère. Certes, ce ne sera pas toujours possible, mais pourquoi ne pas, au moins, l’encourager ? Le législateur cherche à limiter au mieux les effets des séparations destructrices pour l’enfant : séparation de ses parents, puis celle d’un de ses parents et du tiers qui vivait avec lui, en attendant la suivante… C’est très bien, mais ne pouvons-nous pas faire mieux ?
Pourquoi tant de réticences à adopter des mesures favorisant la stabilité de la famille, c’est-à-dire le mariage ? Comment expliquer que, au gré des réformes successives, le divorce soit toujours plus facilité, le Pacs et le concubinage soient encouragés par le bénéfice des avantages auparavant réservés au mariage, alors que rien n’est envisagé ni même pensé pour encourager le mariage et le fait de rester marié ? Si l’on est bien convaincu que l’idéal pour l’enfant est la stabilité, comment se fait-il qu’aucune réflexion ne soit menée dans cette direction ?
L’hostilité à l’égard de l’amendement Mariton, visant à rétablir l’avantage fiscal consenti aux jeunes mariés, caractérise ce non-sens de vouloir la stabilité des familles sans vouloir en prendre les moyens. Cette mesure aurait dû remporter l’adhésion. En privilégiant les jeunes mariés sur les “jeunes pacsés” ou “jeunes divorcés”, elle n’annonçait pas le retour de l’ordre moral mais seulement du bon sens !
Béatrice Bourges, porte-parole du Collectif pour l’enfant
Dernier ouvrage paru : L’Homoparentalité en question. Et l’enfant dans tout ça ?, Éditions du Rocher, 2008