Comme chaque année, en janvier, l’avortement revient sur la scène. Sa légalisation est intervenue en France il y a 35 ans. Du côté de ses promoteurs, on use toujours des mêmes ficelles dialectiques. Mais il a fallu déchanter. Simone de Beauvoir avait comparé l’avortement à l’extraction d’une dent. Hormis les anciennes du Planning familial, personne ne prétend plus qu’il s’agit d’une expérience anodine.
On avait promis, en 1975, que l’IVG deviendrait « marginale lorsque la contraception aura fait
ses preuves ». Mais la France connaît un taux record d’usage de produits contraceptifs et le nombre d’avortements continue d’augmenter, notamment chez les mineures. On a promu
l’avortement médicamenteux par RU486 comme une alternative indolore au chirurgical, avant d’avouer qu’il n’en est rien. Prendre soi-même une substance qui met fin à la vie d’un être humain est
traumatisant. De plus cette technique, déjà utilisée pour la moitié des avortements, oblige les femmes à se décider trop vite, avant 5 semaines de grossesse. On a même permis la prescription du
RU486 par les médecins généralistes, ce qui conduit des femmes à attendre douloureusement chez elles le résultat. Les pouvoirs publics déconseillent cet IVG à domicile pour les femmes fragiles ou
isolées. Toujours plus précoce l’avortement s’est banalisé quantitativement mais demeure un drame que rien ni personne ne pourra passer sous silence. Car les femmes savent bien que ce qui est en
jeu, c’est une vie humaine.
Face à une grossesse imprévue ou difficile, il est facile de proposer l’IVG comme solution :
c’est légal, rapide, remboursé, mais on nie les conséquences et ça évite de se poser certaines questions. Alors que la loi laisse les femmes décider seules, le recours à l’avortement
vient souvent des pressions qu’elles endurent, surtout celles des compagnons pour qui la grossesse est extérieure. La Halde, dans sa lutte contre les discriminations, vient par ailleurs de
stigmatiser la pression des employeurs sur les femmes enceintes. Etrange liberté qui consiste à se sentir obligée de subir un acte qu’on voudrait éviter.
En Ile-de-France, il y a chaque année 19 avortements pour 1000 femmes en âge de procréer, contre 15
pour l’ensemble de l’hexagone, et 7 en Allemagne. Échec de nos politiques de prévention ! Au lieu de s’interroger sur les conditions de vie difficiles en termes de travail, de
logement, de transport, qui l’expliquent, les élus franciliens dénoncent des « difficultés d’accès à l’IVG ». Mais pourquoi considérer comme une fatalité que près de 4 femmes
sur 10 connaissent au moins une fois l’avortement dans leur vie féconde ? C’est le chiffre officiel de l’Institut d’études démographique. Pour sortir l’avortement de la
fatalité, il doit sortir du silence. Écouter le témoignage des femmes qui sont passées par là peut nous aider. C’est si intime, si cruel, et leur sentiment de culpabilité peut être si proche de
la désespérance qu’il nous faut déployer des trésors de délicatesse. « Ah comme j’aimerais être avec vous pour adapter mon langage, car je ne sais comment m’y prendre avec
vous ! » confie l’apôtre Paul aux Galates. Se faire proche de ce que vivent les gens, sans rien renier de nos convictions, ni bien sûr cautionner l’atteinte à la vie, c’est un
chemin exigeant. Mais n’est-ce pas le passage obligé pour un tournant culturel ?
Lu sur "France catholique"
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