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LES YEUX OUVERTS
Etre (in)formé, c'est être libre !
S’il est vrai que plusieurs parlementaires ont fait état de leurs convictions personnelles et en particulier de leurs convictions religieuses, la réaction provoquée par toute tentative de sortir du discours entendu sur la liberté des individus et sur le progrès n’est pas moins remarquable. Le discours du député Blisko est un des plus révélateurs. Ne croyez pas qu’il soit le seul. Le interventions des députés socialistes et verts mais aussi parfois de issus de la majorité relèvent du même registre. On y retrouve les mêmes éléments de langage, comme on dit, symptomatique d’une idéologie largement partagée.
Tout d’abord, le doute…
"Chers collègues, permettez-moi de vous le demander : n’y a-t-il jamais de place chez vous pour le doute ?"
Ensuite, l’insensibilité inhumaine des défenseurs de la dignité s’opposant à la légitimation de certaines techniques médicales…
"Je vous trouve, de plus, très insensibles à la souffrance de femmes, de couples, d’hommes, qui, aujourd’hui, n’ont pas accès, pour diverses raisons, aux techniques médicales de pointe qui existent dans notre pays et qui créent, monsieur Vanneste, du fait du remboursement par la sécurité sociale, un droit à l’enfant, qu’on le veuille ou non. Ces techniques existent dans notre pays ou dans des pays voisins, dans des conditions tout à fait convenables et régulées. De quel droit, dans cette assemblée – certains ont d’ailleurs dit le droit dont ils s’inspirent –, des hommes peuvent-ils imposer leur loi à des femmes en souffrance d’enfants qui demandent une AMP ?"
On relèvera également au passage la formulation étonnante mais parfaitement assumée d’un droit à l’enfant.
Enfin, l’arme fatale : la laïcité…
"Pourquoi voulez-vous imposer votre idéologie, dans un pays laïc, à une population qui majoritairement ne partage pas ou plus cette idéologie ?"
Les convictions religieuses sont ainsi disqualifiées dans le débat public. Elles marqueraient la recherche du sceau de la défiance en l’enserrant dans un carcan idéologique auquel la société ne donne plus son adhésion. A plusieurs reprises, des députés ont regretté expressément que les convictions religieuses, réelles ou supposées d’ailleurs pour certains (c’est presque devenue une insulte). Et puisque chrétiens, voire catholiques, ne suffit pas, il faut mettre le coup de grâce (si j’ose dire) : catholiques proches de milieux intégristes… voilà ! tout est dit ! En bref, ceux qui ne pensent pas comme la majorité (au sens large comprenant la gauche et une large part de la majorité parlementaire) sont des obscurantistes ultra conservateurs proches des milieux catholiques intégristes (la formule se trouve presque littéralement dans une intervention au cours de la discussion générale).
Ce discours (au sens large, au-delà des propos du député Blisko) illustre une conception pour le moins originale du droit. Combien de fois a-t-on entendu des formules du genre : « qui sommes nous pour interdire… », « de quel droit pouvons nous décider que… » ? Je n’ai pas compté. J’ai simplement envie de dire à nos représentants : eh, les gars… (vous permettez que je vous appelle les gars ?) et les filles (pour faire bonne mesure) et les autres (sinon je risque d’avoir des problèmes) : vous êtes le législateur ! C’est pour ça que vous avez été élus !! Dans toute la mesure où votre conscience vous le permet, vous devez rechercher la justice et le bien commun et, au besoin, les traduire en règles qui peuvent autoriser, imposer ou interdire. Évidemment, si la loi n’a pour but que de légitimer tous les comportements sans égard pour la justice et le bien commun, s’il s’agit de laisser l’individu autonome dans la société relativiste… il n’y a pas grand chose à faire et finalement vous ne servez à rien… Si le faible, le pauvre ne peut pas compter sur votre attention parce que, après tout, il faut laisser faire, vous ne servez à rien… Pourquoi libéraliser la bioéthique (pour la faire courte) et non l’économie, la finance ? Dès lors que la liberté est déconnectée de la notion de bien, elle ne peut avoir de limite et elle nuira toujours au faible. La division sur la pratique des mères porteuses au sein même de la gauche fournit une illustration de ce paradoxe.
Le droit a précisément pour fonction d’assurer la justice dans les relations humaines et non de satisfaire les désirs des individus.